Depuis tout jeune, mes parents m’ont appris à remettre en question les formes d’autorité et à développer ma propre curiosité.
Cet état d’esprit m’a été très utile pendant mes études de philosophie et mon expérience du monde du travail et des start-ups a clairement façonné ma vision du monde.
Aujourd’hui, en tant que dirigeant d’entreprise, j’incite mes équipes à remettre en cause l’autorité et découvrir des solutions par elles-mêmes. Je pense que tout le monde doit avoir le droit de poser des questions et d'obtenir des réponses, quelles qu’elles soient.
C’est la raison pour laquelle je déteste le management vertical. J’appelle “management vertical”, ou “management pyramidal”, un système d’organisation hiérarchique qui fonctionne sur un mode décisionnel descendant. Le manager dispose d’une autorité directe sur une équipe et est le seul à définir les missions et objectifs de ses membres.
Rien de pire pour annihiler la curiosité et les responsabilités de chacun. C’est un mode de management dépassé, voire inefficace.
Je vous explique pourquoi dans cet article, ainsi que ce que nous avons développé à la place chez 360Learning.
J’ai expérimenté le management vertical au sein d’une banque. Et j’ai détesté ça. Je sais désormais à quel point le management pourrait être meilleur. En plus de l’entreprise que j’ai créée, j’ai assisté aux expériences de mes amis entrepreneurs et gérants d’entreprise. J’ai pu facilement évaluer ce qui marchait ou pas.
Je n’écris pas cet article pour faire l'apologie de mon mode de management. L’idée est plus de partager une méthode pour aider d’autres entrepreneurs et managers à lâcher prise, faire confiance à leurs employé.e.s et se concentrer sur ce qu’ils aiment - vraiment - faire.
La première étape est déjà de comprendre pourquoi le management vertical ne fonctionne pas.
Le management vertical, ou pyramidal, est ancré dans les mentalités : une poignée de personnes détient le pouvoir, avec les responsabilités que cela implique.
Difficile de se débarrasser des vieilles habitudes : l'idée même qu'un petit groupe d’individus dirige toute l'entreprise ne choque pas.
Cette manière d’organiser l’entreprise met non seulement beaucoup de pression sur les épaules des managers, mais étouffe également le talent et la curiosité de l’ensemble des employés.
Enfant, on demande “pourquoi ?” à tout-va. C’est dans notre nature.
On déteste qu’on nous dise quoi faire (ou penser), sans comprendre la raison derrière.
On sait tous à quel point cela peut être frustrant de ne pas avoir de réponse claire à nos interrogations, et qu’on nous réponde “parce que c’est comme ça et pas autrement”. On détestait quand nos parents nous donnaient cette réponse, et c’est toujours le cas aujourd’hui avec nos supérieurs.
Malheureusement, ce “car c’est moi qui décide” est devenu normal, voire très fréquent dans les entreprises au management vertical.
Il freine toute forme de curiosité, renforce le conformisme, et empêche les individus d’utiliser leurs autres compétences et retours d’expérience afin d’améliorer le statu quo.
“Car c’est moi qui décide” n'est pas une bonne façon de motiver vos équipes
Être un bon leader ne veut pas dire prendre toutes les décisions.
De mon point de vue en tous cas, un leader guide et donne les moyens à son équipe de prendre les meilleures décisions. Votre équipe ne pourra jamais s’améliorer dans un domaine si elle n’y a même pas accès.
Les dirigeants des organisations verticales échouent à développer des compétences décisionnelles chez leurs employés. Ceux-ci restent alors de simples exécutant.e.s, sans jamais devenir de potentiels leaders.
La hiérarchie rend l’entreprise moins résiliente.
Quand on dépend trop des dirigeants, suivre et s’adapter aux évolutions conjoncturelles est beaucoup plus complexe. La prise de décision est lente et non adaptée.
Dans un système pyramidal, un problème arrive au sommet et c’est toute l’entreprise qui en pâtit.
Les systèmes pyramidaux sont statiques et maintiennent le statu quo avant tout. Elles s’adaptent peu. Une vision dépassée ou erronée de la direction peut affecter l’entreprise dans sa globalité.
Chez 360Learning, nous avons donc conçu un modèle pour éviter ce cas de figure : une combinaison de faible autorité et de responsabilisation. Nous l’appelons Convexity.
Avec une configuration en pyramide, un problème au sommet peut entraîner la chute de toute l’entreprise
Chez 360Learning, nous avons trouvé une alternative au management vertical avec la culture Convexity.
Responsabilisation et faible autorité en sont les deux composantes principales.
Les collaborateurs (les 360Learners) n’ont pas à demander d’autorisation pour prendre des décisions. Ils sont responsables des conséquences, bonnes ou mauvaises.
Pour que cela fonctionne, nous faisons en sorte que la communication soit fluide au sein de nos équipes en éliminant toute asymétrie d’information.
Les champs d’actions des employés sont “collectivement exhaustifs et mutuellement exclusifs” (principe du MECE), ce qui signifie que les rôles des uns ne chevauchent pas ceux des autres.
Au lieu de nous reposer sur quelques personnes pour prendre les décisions, nous invitons chacun.e.s à penser par soi-même et à prendre le recul nécessaire. Nous répartissons ainsi le pouvoir de décision pour que chacun puisse l’exercer quotidiennement.
C’est ce que nous défendons en tant qu'entreprise : la démocratisation de l'apprentissage, quel que soit votre niveau hiérarchique.
Pour que cette répartition du pouvoir fonctionne, il faut de la transparence, des itérations et la recherche constante de la performance.
Se défaire du management vertical ne veut pas dire que chacun.e fait ce qu’il/elle veut ou que toutes les décisions sont participatives.
C’est l’inverse : il doit toujours y avoir une personne dédiée pour trancher. Chaque individu doit savoir quand des retours sont attendus ou non, et qui aura le dernier mot quoi qu’il arrive.
Notre culture de la faible autorité et de la responsabilisation se concentre autour de :
En théorie, cela signifie : pas de réunion, pas de chat privé ni d’e-mails entre nous.
Nous avons mis en place ces habitudes de travail en 2014, après 2 ans de travail non-stop (dont 100 jours d’affilés pendant l’hiver 2013-2014).
L’été 2014, chacun prend quelques jours de vacances. À ce moment-là, nous prenons conscience que nous avons une poignée de clients mécontents. Le pire : nous n'arrivons pas à savoir pourquoi.
Les réponses étaient en fait dans les emails envoyés aux clients. Chacun.e donnait une explication différente aux problèmes soulevés, à différents managers.
Cette asymétrie d’accès à l’information nous fait perdre en efficacité et nous empêche de prendre des décisions sans avoir préalablement demandé l’avis de 20 personnes différentes.
L’équipe perd alors trop de temps à restituer le contexte, pour que tout le monde soit raccord. Au bout du compte, on en ressort tous perdants : l’équipe est à bout et le client mécontent.
Nous en avons conclu que toutes les informations relatives à notre activité devaient être partagées largement, via un outil interne comme Trello. Par conséquent, nous avons complètement arrêté de nous envoyer des emails en interne.
L’accès à l'information rend la prise de décision possible pour tou.te.s.
La transparence permet d’éviter les stratégies politiques : les managers ne peuvent pas dire “Fais A parce que je sais B alors que toi non”. Elle pousse aussi au raisonnement logique et rationnel, car personne ne devrait prendre de décision sans la justifier par des chiffres et un contexte à disposition de tou.te.s.
Enfin, en suivant et en contrôlant les performances des équipes et des individus à l'aide d’OKRs clairs, nous veillons à ce que nos stratégies et objectifs soient cohérents pour l'entreprise comme au niveau personnel / individuel.
Chaque équipe connaît son rôle et sa fonction, chaque 360Learner comprend la portée de ses missions. Il prend donc ses propres décisions pour atteindre ses objectifs.
En pratique, les employés rédigent des OKRs au début de chaque trimestre et expliquent clairement comment ils comptent les atteindre.
Les coaches sont là pour mesurer les performances et les aider si besoin, et non pour leur dire comment faire leur travail. Il s'agit de décentraliser, et de démocratiser la prise de décision.
J’insiste sur un point clef : cela ne peut fonctionner que si tout le monde est bien au fait de la stratégie globale de l’entreprise. Sinon, cela donne une organisation où les 220 collaborateurs vont potentiellement dans 220 directions différentes.
En tant que PDG, j’estime qu’il est de ma responsabilité de communiquer régulièrement et clairement sur la stratégie globale de l’entreprise durant les 1 à 3 ans à venir. Je m’assure qu’elle reste constante et ne change pas tous les trimestres.
Il faut aussi challenger les équipes autour de leurs buts, pour s’assurer qu’elles visent suffisamment haut et repoussent leurs limites.
En laissant les collaborateurs choisir leurs objectifs, nous les responsabilisons. Toutes les équipes sont incitées à être performantes et autonomes.
Je vous ai partagé beaucoup de théories, passons à des exemples concrets.
En mars 2020, au début de la crise du coronavirus, j'ai eu beaucoup de questions de la part de mes équipes pour savoir comment notre business allait être impacté, s’il y allait avoir des licenciements, et quand nous pourrions recommencer à embaucher.
À notre dernière réunion générale, j’avais décidé de partager les détails des flux de trésorerie.
Au lieu de dire à mon équipe “non vous ne pouvez pas reprendre le processus de recrutement des 15 postes à pourvoir” ou “vous devez atteindre votre objectif de vente trimestriel pour rester chez 360Learning”, j’ai préféré expliquer comment fonctionnait notre trésorerie :
En 12 mois :
Je leur ai montré les chiffres et comment le conseil d’administration faisait toutes ces prévisions et ces calculs.
C’est une manière de mettre en avant le fait que leur performance personnelle - signer avec un nouveau client, recruter ou non, obtenir le paiement d’un client en temps et en heure - impacte l’entreprise et sa santé financière dans sa globalité.
Je voulais être sûr que tout le monde avait toutes les clefs en main pour comprendre la situation.
De cette façon, les équipes ont pu comprendre les raisons d’une coupure budgétaire, une pause dans le recrutement ou bien une révision des objectifs commerciaux.
En étant transparent, je cherche à créer un environnement où chacun.e se sent impliqué.e dans notre objectif commun en tant qu’entreprise, et où chaque individu sait à quel point il/elle est capable d’apporter de la positivité au contexte actuel.
Ce sont les mêmes objections citées précédemment qui empêchent les entreprises avec un management ascendant de réellement changer d'organisation.
L’une d’elles concerne l’esprit d’équipe. Certaines entreprises estiment que notre fonctionnement individualise le travail. On pourrait penser que le fait que chacun.e choisisse ses propres objectifs et trouve des solutions seul.e plutôt qu’en équipe détériorerait l’esprit d’équipe.
Je vous le donne en mille : ce n’est pas le cas. En poussant chaque employé.e à être un élément du puzzle et à rester transparent.e sur ses performances, nous renforçons l’esprit d’équipe.
Dans une équipe standard, les managers attribuent les rôles et missions aux membres de leur équipe. Cela conduit inévitablement à une répartition inégale de la charge de travail entre les employé.e.s. Il devient aussi impossible de savoir à qui revient le mérite de tel ou tel résultat.
Nous pensons au contraire que cela nous motive à donner le meilleur de nous-mêmes et à demander des retours à nos pairs. Mais cette transparence ne fonctionne pas pour tout le monde. Il faut trouver des personnes partageant la même vision et le même état d’esprit que nous.
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Construire une culture d’entreprise forte nous aide à booster nos performances et notre développement, en plus d’attirer les meilleurs talents.
Si vous travaillez avec des personnes brillantes et motivées, pas besoin de micro-management : votre équipe saura donner le meilleur d’elle-même. Vous serez aussi plus rapide pour vous adapter aux évolutions du marché.
Je serai ravi de savoir ce que vous en pensez et connaître votre expérience en matière de construction de votre culture d’entreprise et de vos méthodes de management. Partagez vos idées et retours d’expérience dans les commentaires ci-dessous !